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Conflit entre gérant et associé : comprendre, prévenir et résoudre les tensions

  • aureliecottray
  • 31 mars
  • 8 min de lecture
une femme et un homme en conflit

Dans la vie d'une entreprise, les tensions entre un gérant et ses associés sont malheureusement fréquentes et peuvent rapidement dégénérer en conflits ouverts. Ces situations, souvent sous-estimées lors de la création de la société, représentent pourtant un risque majeur pour la pérennité de l'organisation. Au fil de mes 25 années d'expérience en tant que dirigeant et médiateur de conflits d'entreprises, j'ai pu observer que ces différends, lorsqu'ils ne sont pas traités efficacement, peuvent mener à des impasses préjudiciables pour toutes les parties prenantes.


Cet article vous propose d'explorer en profondeur les mécanismes du conflit entre gérant et associé, d'en comprendre les origines, d'en mesurer les impacts, et surtout, de découvrir les solutions adaptées pour les résoudre ou, mieux encore, les prévenir.


La nature des conflits entre gérant et associé


Les conflits entre gérant et associé peuvent prendre de multiples formes, mais ils découlent généralement de trois grandes catégories de désaccords :


  • les divergences de visions stratégiques qui constituent une source majeure de tension, lorsque le gérant et les associés ne partagent plus la même vision pour l'avenir de l'entreprise,

  • les désaccords sur la gestion quotidienne, notamment concernant l'allocation des ressources ou les priorités opérationnelles, qui peuvent rapidement détériorer les relations,

  • les problèmes relationnels et les incompréhensions personnelles qui viennent souvent exacerber ces difficultés professionnelles.


La résolution de ces tensions n'est pas simplement souhaitable, elle est absolument essentielle pour préserver la santé économique et sociale de l'entreprise. Un conflit qui s'installe durablement peut, en effet, paralyser la prise de décision et compromettre gravement le développement de la structure.


Le cadre juridique et contractuel régissant les relations gérant-associé


Le Code de commerce établit un cadre précis qui régit les relations entre le gérant et les associés d'une entreprise. Dans ce contexte légal, le gérant dispose de pouvoirs étendus pour administrer et représenter la société auprès des tiers.


Toutefois, ces prérogatives ne sont pas absolues et demeurent soumises à deux limitations fondamentales. Elles doivent :

  • s'exercer dans l'intérêt social de l'entreprise et,

  • respecter les décisions collectives des associés.


Il est également important de noter que les statuts de la société peuvent apporter des restrictions supplémentaires aux pouvoirs du gérant, en prévoyant par exemple des autorisations préalables pour certaines opérations significatives.


Dans la pratique, cependant, cette répartition théorique des pouvoirs peut devenir source de tensions, particulièrement lorsque le gérant interprète extensivement ses prérogatives ou lorsque les associés cherchent à s'immiscer dans la gestion courante.


C'est pourquoi, au-delà du strict cadre légal, la clarté des statuts et des pactes d'associés constitue un élément crucial pour prévenir les malentendus et, par conséquent, les conflits potentiels.


Les conséquences des conflits sur l'entreprise et ses parties prenantes


Un conflit persistant entre gérant et associé engendre des répercussions considérables sur l'ensemble de l'écosystème de l'entreprise. Au niveau de la performance économique, les effets néfastes se font rapidement sentir :

  • ralentissement dans la prise de décision,

  • démotivation des équipes,

  • perte de focus stratégique et, in fine,

  • dégradation des résultats financiers.


Au-delà de l'impact interne, ces tensions peuvent également nuire à la réputation de l'entreprise auprès de ses partenaires, fournisseurs et clients. La perception d'instabilité qui en découle peut conduire à la perte de contrats importants ou à des difficultés à attirer de nouveaux talents.


Sur le plan juridique, les conséquences peuvent être tout aussi graves, avec des risques de contentieux coûteux et chronophages. Dans les cas extrêmes, ces conflits peuvent même mener à une dissolution judiciaire de la société, une issue dramatique que j'ai malheureusement pu constater à plusieurs reprises dans ma carrière de médiateur.


Les méthodes efficaces de résolution des conflits


Face à un conflit entre gérant et associé, plusieurs approches de résolution peuvent être envisagées, en privilégiant initialement les méthodes les moins opposantes.


La négociation directe constitue souvent la première étape, permettant aux parties de discuter ouvertement de leurs préoccupations et d'identifier des solutions mutuellement acceptables. Cette démarche peut être facilitée par l'établissement préalable d'un cadre de discussion respectueux et constructif.


Lorsque la communication directe s'avère difficile, la médiation représente une alternative particulièrement efficace. En tant que processus volontaire et confidentiel, elle permet l'intervention d'un tiers neutre et indépendant qui aide les parties à rétablir le dialogue et à explorer des options de résolution créatives. La médiation présente l'avantage considérable de préserver les relations d'affaires tout en aboutissant à des solutions durables et adaptées aux besoins spécifiques des participants.


Dans certains cas, l'arbitrage peut également constituer une option intéressante, offrant une procédure plus formelle mais néanmoins plus rapide et discrète qu'une action en justice. Enfin, le recours aux tribunaux demeure une possibilité, mais devrait être envisagé uniquement en dernier ressort, compte tenu des coûts financiers et relationnels qu'il implique.


Pour illustrer l'efficacité de ces approches, j'ai récemment accompagné en médiation deux associés d'une entreprise de services qui étaient en conflit depuis plus d'un an. Après seulement trois séances, ils ont pu élaborer un protocole d'accord redéfinissant clairement leurs rôles respectifs et mettant en place des mécanismes de communication réguliers qui ont permis de restaurer la confiance et de relancer la dynamique de l'entreprise.


La prévention des conflits : une stratégie gagnante


Comme dans de nombreux domaines, la prévention des conflits entre gérant et associé s'avère bien plus efficace et moins coûteuse que leur résolution a posteriori. Une gouvernance claire et transparente constitue le premier pilier de cette prévention. L'établissement de processus décisionnels bien définis, avec une répartition explicite des responsabilités et des pouvoirs entre le gérant et les associés, permet d'éviter de nombreuses sources de friction.


La communication régulière et transparente représente le deuxième élément clé. L'organisation de réunions périodiques d'information et de consultation, complétée par des rapports détaillés sur la situation de l'entreprise, contribue à maintenir un climat de confiance et à désamorcer les incompréhensions avant qu'elles ne dégénèrent en conflits ouverts.


Sur le plan juridique, la rédaction soigneuse des statuts et des pactes d'associés permet d'anticiper les situations potentiellement conflictuelles. L'inclusion de mécanismes préventifs de résolution des différends, comme des clauses d'arbitrage ou de médiation obligatoire, peut également s'avérer judicieuse. De même, la définition précise des modalités de sortie d'un associé (valorisation des parts, conditions de rachat, etc.) contribue à éviter les blocages en cas de désaccord majeur.


L'anticipation du conflit : un enjeu souvent négligé


Le conflit entre associés ou entre gérant et associés constitue un risque fréquemment sous-estimé, voire totalement ignoré par les fondateurs lors de la création de leur société. Dans l'enthousiasme du projet entrepreneurial, les partenaires, souvent liés par des relations d'amitié ou familiales, négligent d'envisager les potentielles divergences futures. Cette absence d'anticipation s'explique également par une certaine réticence psychologique à aborder des scénarios négatifs qui pourraient être perçus comme un manque de confiance mutuelle.


Pourtant, l'expérience montre que les relations d'affaires évoluent inévitablement avec le temps. Les objectifs personnels des associés peuvent diverger, leurs situations familiales ou financières se modifier, et leurs visions pour l'entreprise prendre des directions différentes. C'est pourquoi il est crucial d'aborder ces questions dès la constitution de la société, en adoptant une approche pragmatique et préventive.


La problématique du retrait des associés en situation de conflit


L'une des difficultés majeures dans les conflits entre gérant et associé réside dans les modalités de retrait d'un associé souhaitant quitter la société. Si les statuts ne prévoient pas de solution adaptée, cette situation peut rapidement devenir inextricable, particulièrement dans le cas des sociétés non cotées où il n'existe pas de marché pour céder facilement ses titres.


Dans de nombreux cas que j'ai pu accompagner, cette absence de "porte de sortie" clairement définie contribue à exacerber les tensions. Un associé minoritaire en désaccord avec la gestion mais incapable de céder ses parts à un prix équitable peut se sentir "piégé" dans la structure, ce qui l'amène parfois à adopter des comportements obstructionnistes nuisibles à l'entreprise.


Plusieurs mécanismes peuvent être prévus pour faciliter ces situations :

  • clauses de sortie conjointement avec l'associé majoritaire (tag along),

  • droit de préemption,

  • clauses de rachat à prix prédéterminé ou selon une formule de valorisation objective.


La pratique montre que la présence de tels dispositifs, même s'ils ne sont pas activés, favorise un climat plus serein en offrant une issue possible en cas de désaccord majeur.


Il est également possible de prévoir des mécanismes de déblocage comme les clauses dites « d'offre alternative » ou de « Buy or Sell », qui permettent à un associé de proposer soit d'acheter les parts de l'autre partie à un prix qu'il détermine, soit de vendre les siennes au même prix, l'autre associé ayant alors le choix entre ces deux options.


Les solutions extrajudiciaires pour résoudre les conflits


Face à un conflit entre gérant et associé, plusieurs solutions extrajudiciaires peuvent être envisagées avant de recourir aux procédures contentieuses. L'exercice du droit à l'information constitue souvent une première étape importante. En effet, de nombreux conflits naissent ou s'aggravent en raison d'une asymétrie d'information entre le gérant, qui dispose d'une vision complète des activités de l'entreprise, et les associés qui peuvent se sentir tenus à l'écart des décisions importantes.


La loi prévoit des mécanismes spécifiques permettant aux associés d'accéder à certains documents sociaux et financiers. L'activation formelle de ces droits peut parfois suffire à rétablir un climat de confiance, en dissipant les soupçons d'opacité ou de dissimulation.


La convocation d'assemblées générales représente une autre voie non contentieuse pour aborder collectivement les sujets de préoccupation. Dans certaines formes sociales, les associés minoritaires disposent d'un droit de convocation leur permettant de mettre à l'ordre du jour des questions importantes, même contre la volonté du gérant majoritaire.


L'expertise de gestion constitue également un outil précieux, permettant de faire intervenir un expert indépendant pour examiner une ou plusieurs opérations de gestion. Cette procédure, bien que plus formelle, reste moins conflictuelle qu'une action en responsabilité et peut apporter des clarifications objectives sur des points litigieux.


La médiation : une approche privilégiée pour les conflits entre gérant et associé


La médiation se distingue comme une méthode particulièrement adaptée aux conflits entre gérant et associé, en raison de plusieurs caractéristiques qui répondent aux enjeux spécifiques de ces situations. La confidentialité du processus, tout d'abord, permet d'aborder librement des sujets sensibles sans craindre une publicité préjudiciable à l'image de l'entreprise ou aux relations d'affaires.


La souplesse et la rapidité de la démarche constituent également des atouts majeurs, permettant d'éviter les délais et rigidités des procédures judiciaires. En médiation, les parties conservent la maîtrise du calendrier et peuvent adapter le processus à leurs contraintes professionnelles.


L'aspect relationnel représente un autre avantage décisif. Contrairement aux procédures contentieuses qui tendent à exacerber l'antagonisme, la médiation vise à restaurer le dialogue et la compréhension mutuelle. Cette dimension s'avère particulièrement précieuse lorsque les parties doivent continuer à collaborer, comme c'est souvent le cas dans les conflits entre gérant et associé où une séparation totale n'est pas toujours possible ou souhaitable.


Enfin, la médiation permet d'élaborer des solutions sur-mesure, tenant compte des spécificités de chaque situation et des besoins particuliers des participants. Cette créativité dans la recherche de solutions dépasse largement les possibilités offertes par les décisions judiciaires, généralement limitées à l'application stricte des règles juridiques.


Conclusion : vers une gestion proactive des relations gérant-associé


Au terme de cette analyse approfondie, il apparaît clairement que les conflits entre gérant et associé, loin d'être des événements exceptionnels, constituent un risque inhérent à la vie des entreprises. Leur impact potentiellement destructeur sur l'organisation justifie une approche proactive et préventive.


Lorsque les tensions apparaissent malgré ces précautions, il est crucial de les traiter rapidement avant qu'elles ne dégénèrent en conflit ouvert. La médiation, par son approche constructive et confidentielle, offre alors une voie privilégiée pour restaurer le dialogue et élaborer des solutions adaptées aux besoins spécifiques de l'entreprise et de ses dirigeants.


En tant que médiateur spécialisé dans les conflits d'entreprise, je ne peux que recommander aux dirigeants et associés d'intégrer ces dimensions dans leur réflexion stratégique, en considérant la qualité des relations internes comme un actif immatériel aussi précieux que les actifs financiers ou commerciaux de l'entreprise.


Pour aller plus loin dans votre réflexion ou obtenir un accompagnement personnalisé dans la prévention ou la résolution de conflits entre gérant et associé, n'hésitez pas à me contacter pour une première consultation confidentielle et sans engagement.

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